Elle sait...
- Cécile Lou
- 5 oct. 2018
- 3 min de lecture

Elle le sait… Elle n’a pas besoin d’un homme à ses côtés pour être une bonne mère… Surtout pas d’un papa en carton qui n’a jamais changé une couche, qui n’a même pas idée qu’il faut payer la crèche et encore moins que ses enfants grandissent et qu’il est par conséquent indispensable de renouveler régulièrement leur garde robe. Même si celui-ci est très doué pour renvoyer une belle image de père parfait, à coup d’immenses sourires béats devant les prouesses de ses petits, ce n’est qu’un mirage, une façade. Il a engendré, et son rôle s’est arrêté là… Jamais il n’a vraiment agi comme un papa... Être père ou paraître, telle est la question…
Elle sait bien qu’ils ne peuvent pas voir les choses de la même manière… Les mères viennent de Vénus, les pères viennent de Mars…
Être maman, c’est instinctif, animal… Le jour où elle a senti ces petites vies grandir en elle, elle a su qu’elle ne serait plus jamais la même. Son existence a pris tout son sens et son univers, son système tout entier s’est modifié avec au centre ses enfants. Elle a tenu bon pendant les 36 heures de travail, elle a enchainé les nuits blanches avec les tétées consécutives des jumeaux, elle a porté au mieux la double casquette de maman et de femme active… Peut-être s’est-elle d’ailleurs un peu oubliée en chemin ? Peut-être ? Sûrement même… Mais elle n’a pas su faire autrement. Son trésor, sa richesse, ce sont ses enfants… Elle veut faire au mieux pour eux. Ils sont sa priorité. Elle ne peut pas agir autrement, c’est viscéral.
Par contre, elle ne sait pas comment les papas fonctionnent, elle a bien essayé de le découvrir pourtant… Elle a tenté de lui parler, de le questionner mais ses interrogations se sont heurtées aux grognements dignes d’un homme préhistorique. Elle a aussi cherché les réponses chez sa thérapeute : des heures passées sur un fauteuil, à défaut de l’antique divan démodé ; des schémas et des diagrammes dignes de ses pires cauchemars en cours de math au lycée, et pourtant le seul calcul qu’elle arrive à faire aujourd’hui, c’est qu’elle a vidé son portefeuille mais n’a toujours pas les réponses. Après avoir dévoré tous les bouquins disponibles à la médiathèque, elle a également arpenté les rayons de développement personnel de Cultura. Elle a tourné un nombre titanesque de pages, elle a même cherché des réponses dans des livres initiatiques et pourtant elle ne sait pas, elle ne comprend pas, elle ne le comprend pas.
Qu’il soit tombé amoureux d’une autre, qu’il ait eu besoin de retrouver une certaine forme de liberté loin des chaines parentales, elle peut le concevoir. Elle se remet même en question. Une séparation est toujours à torts partagés. Elle n’a pas du faire tout ce qui était possible pour garder la flamme allumée. Les porte-jarretelles et gadgets coquins ont été remisés au fin fond du placard depuis belle lurette et il se plaignait sans cesse du nombre de leurs rapports qui se réduisait comme une peau de chagrin. Mais elle, elle avait besoin de tendresse et d’attention. Elle n’aimait pas se sentir obligée de faire l’amour pour marquer dans le calendrier la date de leurs ébats. Des besoins, bien sûr, elle en avait, elle aussi. Malgré ce qu’il pensait, elle aimait prendre du plaisir. Pourtant, elle s’était habituée à le prendre en solo. Même pour ça, elle n’avait pas besoin de lui.
Elle s’efforce de ne pas lui en vouloir, il lui a donné deux beaux enfants. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire. Lui par contre, il a la rancune tenace. C’est lui qui a décidé de partir, attiré par le chant d’une sirène envoutante, et pourtant il lui tient rigueur de leur séparation, comme s’il lui fallait lui trouver des torts pour justifier sa fuite. Il s’en prend à elle, l’attaque violemment… Avec des paroles … Pourtant elles la blessent infiniment et lui lacèrent le cœur à chaque fois. Elle tente tant bien que mal de prendre du recul et de ne pas accepter ces mots vengeurs.
Mais ce soir, elle n’en revient pas.
Lorsque après avoir récupéré les garçons à la crèche, elle pousse la porte de l’appartement, elle n’en croit pas ses yeux. Il est complètement vide. Il lui a tout pris. Le four, le micro-ondes, la télé… Même la planche à repasser dont il n’a que faire…
Comment un papa peut-il en arriver à faire ça ?
Elle sait qu’elle ne pourra jamais le comprendre…
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