Vamos à la playa
- Cécile Lou
- 25 juin 2018
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 juil. 2018

La plage, la mer, le soleil, le sable chaud, et les marmots !
Il est bien loin le temps où je me prélassais sur ma serviette comme un lézard et où mon seul souci était de penser à me retourner à intervalle régulier pour obtenir un joli bronzage uniforme. Désormais, la moindre escapade en bord de mer prend des allures de véritable expédition. Alors on oublie Léonardo Di Caprio et David Hasselhoff, maillot tendance et démarche sensuelle et on redescend sur Terre pour la mission maman à la plage. D’ailleurs, à ce moment précis, où je trouve enfin une place pour me garer, après avoir tourné en vain pendant une demi-heure, ce n’est pas un sentiment de victoire qui m’envahit mais plutôt une profonde angoisse : dans quoi me suis-je encore embarquée ?
Maël et Juliette se disputent à grands cris tandis que Maya pleure dans son cosy : une arrivée avec bruit et tumulte qui me refroidit grandement malgré les températures caniculaires. Mais impossible de faire demi-tour alors que la grande bleue est à portée de vue sous peine de trépas de mes pauvres tympans déjà mis à rude épreuve !
Je coupe le contact. Pas une seconde de répit. Maël se précipite hors de la voiture comme une fusée et je ne peux que bondir derrière lui pour jouer à la maman trouble fête avant même que le bal ne commence. En réalité, je me fais surtout l’effet d’être une hôtesse de l’air qui répète inlassablement les règles de sécurité dans une indifférence totale.
Lorsque enfin mon énergumène monté sur ressorts semble à peu près calme ou du moins, moins disposé à se jeter sous les roues des voitures qui passent, je m’attelle à vider la voiture. Je sors la poussette, le parasol, la glacière, le sac de plage, les filets de jouets… Mon coffre est à la hauteur du sac de Mary Poppins. C’est un véritable déménagement mais il n’y a ni supercalifragilisticexpialidocious, ni l’ombre d’un beau jeune homme musclé pour m’aider…
J’installe Maya dans la poussette et je prends conscience que je suis chargée comme un baudet, une pauvre bourrique. Première leçon : comment passer de la plage séduction à la plage épreuve avec une seule variable dans l’équation : des gosses ! Avec trois enfants, je suis même persuadée que la ruée des fadas serait désormais pour moi une simple promenade de santé.
C’est parti ! Premier test : franchir la route ! Réussi sans encombre malgré le ballon qui a essayé de s’esquiver en douce du sac. Deuxième challenge, la traversée du désert, euh pardon, du sable…
— Maman, c’est trop chaud !
Comment t’expliquer ma chérie, qu’entre les sacs dont les lanières commencent à me scier les épaules et cette maudite poussette qui refuse d’avancer, il m’est physiquement impossible de te porter. Pourtant, nous avons opté pour un modèle de poussette tout terrain, vendu à prix d’or avec la promesse de nous suivre partout. Je peux vous assurer que les tests n’ont pas été réalisés sur le sable. Après avoir renoncé à la pousser, je commence à la tirer. Ce n’est pas beaucoup mieux mais je gagne centimètre après centimètre.
Les deux grands courent et slaloment entre les serviettes et le sable qui jaillit ne fait pas partie des effets spéciaux… Et moi, je me sens juste comme un éléphant dans un magasin de porcelaine avec les roues de la poussette qui frôlent à chaque instant les orteils rougis des vacanciers.
Il y a des plages réservées pour les naturistes, à cet instant je me dis qu’il devrait surtout y avoir des lieux en bord de mer réservés aux familles afin que les pauvres mamans n’aient pas l’impression d’être des individus envahisseurs, importuns et gonflants… Un peu gonflées par les grossesses et les gosses, c’est amplement suffisant… Quand je vois, les midinettes se trémousser avec leurs maillots de bain dont le prix doit être inversement proportionnel à la surface de peau couverte, et me regarder avec un air réprobateur, je ne peux pas leur en vouloir. Il y a une dizaine d’années je pensais la même chose qu’elles.
— Jamais je ne me laisserai aller comme ça…
Continuez de rêver les girls. Mais à moins d’avoir une flopée de nounou, femme de ménage et coach sportif à votre service, vous y passerez aussi et un jour, votre manucure et votre joli ventre plat ne seront que des lointains souvenirs. Así es la vida !!!
Enfin, ma tribu, mon ventre et moi, trouvons une place suffisante pour nous installer malgré le regard noir du couple, en train de roucouler, qui ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de trois gnomes à proximité de leur petit nid d’amour. Le temps que j’installe le parasol pour Maya, les enfants ont déjà enlevés et semés leurs vêtements sur la plage pour se précipiter vers la mer. J’attrape donc ma petite dernière sous le bras et me lance à la poursuite de ses aînés. Et c’est parti pour la soupe à la grimace avec l’étape obligatoire, sans conciliation possible : l’application de la crème solaire. Tee-shirts anti UV, lunettes, casquettes, brassards, je libère enfin mes petits monstres.
Maya se met à pleurer. L’heure de son goûter, c’est sacré et ce n’est pas le sable qu’elle attrape à pleines mains qui va la rassasier. Vite, à la recherche de la compote perdue au fond de la glacière... Une cuillère pour Maya, un coup d’œil vers le rivage… Je vais fini par avoir un torticolis… Et zut ! Une demi-seconde d’inattention et l’apparition surprise d’une petite main potelée sur son trajet et la cuillère finit sa course dans le sable…
Je vois les grands qui commencent à se disputer et Juliette se met à crier si fort, que sous les regards menaçants des gens qui nous entourent, je suis obligée de les rejoindre pour intervenir.
Après des négociations acharnées et la promesse de venir les aider à ériger un magnifique château sitôt le goûter de leur sœur terminé, je retourne m’occuper de Maya sous le parasol. Un biberon plus tard, elle s’endort. Une de KO ! Il n’en reste plus que deux à gérer. Je me fais horreur de penser cela : suis-je une mère indigne ? J’avoue, un brin honteuse, que si les mamies étaient à la retraite et pouvaient se farcir la sortie plage ce ne serait pas pour me déplaire…
Et comme pour me donner raison, la pelle de Maël s’est transformée en arme contre sa sœur. Je vais chercher mes petits guerriers et les ramène à proximité de notre camp de base pour assurer en même temps ma mission surveillance. Et me voilà promue architecte. Alors que le sable s’infiltre sous ma robe, je réalise que je n’ai pas encore pris le temps de me dévêtir. Adieu, bronzage uniforme ! Encore une illustration évidente de l’affirmation : avec des enfants les priorités changent ! Tant pis, ça attendra encore un peu !
Au bout d’une éternité à ériger des tours et des remparts, qui me donne l’impression de construire à moi seule la Sagrada Familia, je déclare forfait. Maël et Juliette commencent à faire des allers-retours avec les seaux dans le but de remplir les douves du château (vous n’oublierez pas de noter que je ne suis pas une architecte de pacotille !). Ils vont en avoir pour un moment. Victoire !
Je commence à rassembler un peu nos affaires juchées un peu partout avant d’installer ma serviette et de me déshabiller enfin. Maya dort toujours, je vais pouvoir en profiter un peu. Je n’étais pas optimiste au point de prendre un livre au milieu du fatras d’affaires mais j’aspire juste à m’asseoir et à relâcher un peu la pression…
Et quand je vois les deux grands qui rient aux éclats, je me dis que cela valait tout de même le coup…
Mais soudain, Juliette accourt vers moi :
— Maman ! Maman ! J’ai envie de faire caca !
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