Celle qui fuit et celle qui reste - Elena Ferrante
- Cécile Lou
- 26 sept. 2018
- 3 min de lecture

Allez c’est parti pour le tome III de la saga d’Elena Ferrante.
Je ne peux m’empêcher de commencer cette chronique par un spoil : dans celle qui fuit et celle qui reste, on voit enfin Lila craquer :
« Ce ton lui fit mal et elle craqua de manière inattendue, d’un seul coup. Ses yeux se remplirent de larmes, qu’elle s’efforça en vain de retenir, humiliée par sa propre faiblesse : « Je ne veux pas te créer plus d’ennuis que tu n’en as déjà, sanglota-t-elle. J’ai peur que tu me chasses. » »
Est-elle finalement moins manipulatrice et égoïste que ce que l’on pouvait penser? Malheureusement, pas vraiment. Ce petit écart de conduite ne révèle pas un changement notable. Et dans ce tome, on retrouve de nouveau Lila et Elena égales à elles-même.
Lila a quitté son mari et se retrouve dans une triste situation, bien éloignée de celle à laquelle elle aurait pu aspirer à la vue de ses capacités : elle est désormais ouvrière dans une usine de salaison dans laquelle les conditions de travail sont des plus pénibles. Mais elle reste toujours aussi insaisissable, odieuse et vindicative.
Elena, quant à elle, rencontre un certain succès avec son livre, épouse Pietro et devient mère. Elle continue ainsi son ascension sociale pourtant elle n’en semble pas plus heureuse et continue de douter et de s’apitoyer sur son sort.
Ce troisième tome se déroule pendant les années de plomb, agitées par de nombreux conflits sociaux et politiques. Elena Ferrante nous fait de nouveau découvrir d’une main de maître un pan de l’histoire. On découvre les affrontements violents, les conditions de travail et la vie des militants. Elle nous montre aussi la fracture entre les combats révolutionnaires menés par les jeunes gens de bonnes familles exaltés et les ouvriers.
Ce livre aborde aussi la maternité, la place de la femme, les débuts de la contraception et toujours la difficulté pour une femme, et encore plus pour une mère de poursuivre ses rêves et de garder intactes ses ambitions.
Pour conclure, mon avis sur ce troisième tome ressemble beaucoup à celui sur le second.
On aimerait plus, on attend plus de nos deux héroïnes mais pourtant l’histoire fonctionne toujours.
Je suis toujours autant surprise de voir à quel point je replonge avec autant d’envie dans cette lecture alors que je suis agacée par l’évolution ou plutôt par l’absence d’évolution des deux «amies». La plume fluide d’Elena Ferrante y est pour beaucoup et la magie de l’atmosphère opère encore une fois.
Bien entendu, je lirai le dernier tome même si je n’ai désormais plus beaucoup d’espoir de voir enfin Lila et Elena changer.
Extraits :
« Plus je cherchais des outils pour tenter de me comprendre moi-même, plus elle se cachait. Plus j’essayais de l’entraîner à découvert et de l’impliquer dans mon désir de clarté, plus elle se réfugiait dans la pénombre. On aurait dit la pleine lune quand elle se cache derrière la forêt et que les branches dissimulent sa face.»
« Certes, elle avait une intelligence stupéfiante et, certes, elle était vraiment fascinante : mais il s’agissait d’une intelligence mal utilisée – l’intelligence maléfique qui sème la discorde et qui hait la vie – et la fascination qu’elle exerçait était plus insupportable encore, elle ne pouvait qu’asservir et conduire à la ruine.»
« Ainsi les hommes, étourdis de plaisir, sèment-ils distraitement leurs graines. Ils nous fécondent, emportés par leur orgasme. Ils entrent en nous puis se retirent, laissant leur fantôme caché dans notre chair, comme un objet perdu. »
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