Les frottements du coeur - Katia Ghanty
- Cécile Lou
- 18 nov. 2018
- 3 min de lecture

Tout d’abord, je tiens à remercier Katia Ghanty et les éditions Carnets Nord pour l’envoi de ce livre. Déjà parce que c’est le premier que je reçois, et la première fois se pare toujours d’une importance singulière, aussi parce qu’à travers mon passé de soignante et de patiente, j’avais très envie de le découvrir et enfin parce que j’ai passé un moment hors du temps en dévorant ce journal hospitalier page après page.
Dans Les frottements du cœur, Katia Ghanty nous livre son expérience personnelle. En 2016, à 29 ans, elle se retrouve dans un état très critique à la suite d’une mauvaise grippe et on découvre alors son parcours de patiente, d’un service à un autre, d’un soin à un autre, d’un état à un autre. Mais ce n’est pas seulement le journal d’une patiente qui raconte son quotidien comme un simple témoignage. C’est bien plus que cela, le livre s’appelle les frottements du cœur mais c’est surtout un cri du cœur dans lequel l’humain est mis en avant.
Tout d’abord, il y a la patiente. Celle qui attend, qui comprend que le temps n’est plus le même à l’hôpital. Celle qui souffre et qui exprime avec une stupéfiante justesse cette douleur extrême contre laquelle on lutte, on résiste mais qui avec le temps emporte avec elle notre résistance. Celle qui oscille entre résilience et découragement et qui appréhende le décalage entre son quotidien et le monde qui ne s’arrête pas de tourner. Une femme parfois en colère, parfois triste mais d’un courage hors norme. Une patiente qui garde son humour intact malgré les épreuves et qui nous livre son histoire avec une incroyable franchise et une humilité renversante.
Bien sûr de l’autre côté, il y a les soignants. Tous. Ceux qui savent prendre le temps de sourire, d’écouter ou même de faire un shampoing et les autres, ceux qui se murent derrière une impassibilité protectrice, les maladroits, ou encore ceux qui oublient que les patients ne sont pas des numéros ou des pathologies mais des êtres humains avec des émotions et des besoins. Une fois encore, les mots sont prodigieusement justes. Il n’y a pas de jugement. Katia ne lance pas la pierre. Elle constate même si parfois le constat est sans appel.
Elle décrit les relations humaines avec une grande finesse et beaucoup de sensibilité. Celle entre le patient et ses proches où on se demande parfois lequel est celui qui rassure. Celle avec le personnel soignant, parfois mécanique, parfois empathique, parfois distante, parfois juste. Celle avec les autres quand l’enfer est derrière soi, parce que le combat, la lutte c’est pendant mais aussi et surtout après et que souvent les gens ne le voient pas.
La plume est fluide, simple et addictive. Le livre se dévore et surtout (je me répète mais) les mots sont d’une extraordinaire justesse. J’ai été complètement immergée dans le parcours de Katia, j’ai retenu mon souffle et souffert avec elle page après page.
Je sais que l’auteure est invitée à certaines conférences médicales pour présenter son livre. Pour moi, il devrait même faire partie du programme des facs de médecine, des écoles paramédicales et surtout être lus par tous les directeurs des structures. Cette lecture me rappelle en effet, avec force un désaccord que j’ai eu avec une directrice de mon établissement qui me reprochait d’utiliser le mot patient au détriment de client. Cherchez l’erreur…
Ce livre est un témoignage poignant et précieux, de courage, de détermination et d’espoir pour les patients, qui peut montrer à certains soignants à quel point leur combat pour lier l’humanité aux soins est juste et nécessaire et qui je l’espère, permettra d’ouvrir les yeux à d’autres qui ont oublié qu’au cœur du système de soins se trouve une personne.
Encore merci et un immense bravo pour ce magnifique et touchant témoignage !
Extraits :
« Le serpent me dévore le cœur, les poumons, tout ce qui est à sa portée. Je n’arrive plus à respirer. Chaque inspiration me transperce la poitrine. »
« En réalité, au quotidien, on ne réalise pas à quel point le corps est en mouvement, tout le temps, même quand on ne fait pas grand-chose. Et on ne réalise pas à quel point ce mouvement est important, nécessaire. On n’imagine pas comme l’immobilité peut être difficile, à quel point elle peut faire mal. Mon corps progressivement se contracte, se fige, se pétrifie. Corps lourd et entravé, corps de pierre meurtri. »
« C’est fou que l’on s’inquiète autant de préserver la vie, mais que l’on se préoccupe si peu de préserver la joie. »
« Peut-être que le miracle, aujourd’hui, pour moi, c’est quelqu’un qui me regarde et qui, malgré l’incertitude planant autour de mon cas, peut me dire, simplement : « Je suis confiant. » »
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