Pactum salis - Olivier Bourdeaut
- Cécile Lou
- 3 nov. 2018
- 2 min de lecture

Je ne peux commencer cette chronique sans parler du lieu de l’histoire… J’ai en effet passé toutes les vacances de mon enfance entre Batz-sur-Mer et Le Croisic alors me plonger dans un livre qui a pour lieu les marais salants et la plage Valentin a été un pur bonheur pour moi, une véritable madeleine de Proust. J’entendais résonner les clochers et je me suis délectée des magnifiques descriptions des lieux et du métier de paludier, dépeintes par Olivier Bourdeaut.
Venons-en maintenant à l’histoire. Pactum Salis, c’est la rencontre improbable de deux hommes.
Le paludier, c’est Jean, celui qui a tout quitté, même son loufoque voisin Henry, pour se retirer dans le silence des marais salants.
Le deuxième protagoniste, c’est Michel, un marchand de biens matérialiste, sans scrupule qui vit le téléphone greffé à l’oreille et la carte bleue à la main.
Comment deux hommes si différents vont-ils être amenés à partager un bout de chemin chaotique? L’alcool bien sûr… L’alcool qui fait tomber les barrières et qui parfois conduit même à signer de drôles de pactes… Pactum Salis. Le pacte du sel. Inviolable.
On découvre une relation complètement insolite qui vire au combat de mâles. De nombreux coups bas, un peu d’entraide parfois, souvent à contrecœur, des réparties cinglantes, des pardons chèrement payés, les femmes bien sûr mais aussi les poings et la violence.
Des situations hautement improbables… Et alors ? Olivier Bourdeaut nous raconte une histoire, il ne nous oblige pas à y croire… On a envie d’y croire. Il joue. Il gagne. On gagne.
On retrouve une certaine folie mais bien éloignée de la douceur de En attendant Bojangles. La tendresse et l’amour laissent place au cynisme et à la déloyauté. Mais une fois encore, on est surpris, dérouté. On aime ou on est agacé par cette mouche insistante… On a envie de détester ces deux hommes et surtout ce pédant Michel. On aimerait leur retirer la bouteille et leur remettre les idées en place. Et pourtant au milieu de cette relation très salée et de cette histoire étrange, on retrouve de la poésie et la plume surprenante de l’auteur, sa facilité à nous désarçonner, à nous bousculer, à ne pas nous laisser indifférent.
Pour moi, Pactum salis est une recette improbable avec de jolies descriptions, un soupçon d’improbabilité et une bonne dose de cynisme pour un doux mélange sucré-salé comme seul M Bourdeaut sait les concocter.
Bon appétit !
Extraits :
« Il s’était séparé également de son téléphone en l’offrant à un pêcheur, persuadé que plus le téléphone était intelligent, plus son propriétaire devenait abruti. Il en avait eu assez de l’entendre sonner jour et nuit pour l’alerter des dépêches AFP, des publicités et des relevés bancaires. Il ne voulait plus avoir dans le fond de sa poche un postier hystérique, insomniaque et dégénéré. »
« En contrebas, s’étalait, comme une robe déployée, un modèle de haute couture naturelle. Le tissu de gazon, vert brillant, ceinturé par le gris pâle du remblai, débordait légèrement sur la manche de sable humide aux reflets d’argent. Dentelé d’une fine écume de mousseline, l’ourlet d’une mer saphir s’accrochait au ciel, par un horizon franc qui finissait magistralement le déguisement des éléments. Dans une ultime coquetterie, une touche finale d’élégance, un palmier jaillissait de l’encolure, tel une fontaine végétale immobile, figée comme une broche d’émeraude. »
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